[
./05als1pag.html]
LES ÉLUS COENS
À partir de 1765, le parcours maçonnique de Jean-Baptiste Willermoz prend un tournant décisif, lorsqu'il est admis dans l'ordre des Chevaliers Maçons élus coëns de l'univers. Cet ordre, fondé par Martinès de Pasqually vers 1754, se présente comme « la véritable franc-maçonnerie », à l'inverse de la maçonnerie de son époque, qu'il juge « apocryphe ». Il est vrai qu'à cette époque, la maçonnerie présente des visages contradictoires. D'un côté, elle est essentiellement une institution festive, où l'on cultive les mondanités et où les banquets et les fêtes ont tendance à prendre plus de place que les rites. D'un autre côté, elle donne naissance, certes, à une floraison de hauts grades, mais ces derniers cultivent un ésotérisme peu cohérent.
L'ordre des Élus coëns est un système de hauts grades organisés autour d'une doctrine spécifique, celle de la réintégration. Il se caractérise par des rituels complexes relevant de la magie divine : la théurgie. En 1766, peu de temps après son entrée dans cet ordre, Jean-Baptiste Willermoz rencontre le Grand Souverain et fondateur de l'Ordre, Martinès de Pasqually. Il devient l'un de ses disciples les plus zélés et parvient au plus haut grade, celui de Réau-Croix. Il s'adonne avec constance à la théurgie et aux nombreuses périodes de prières journalières recommandés par le Grand Souverain de l'Ordre.
Jean-Baptiste Willermoz est séduit par les enseignements de l'Ordre ; il est cependant quelque peu déçu par les capacités d'organisateur de son dirigeant. En effet, l'ordre des Élus coëns est encore en gestation, et Martinès de Pasqually n'en finit pas d'écrire règlements, rituels et instructions destinés au fonctionnement des loges. Son départ pour Haïti ne favorise pas les choses. En effet, il embarque le 5 mai 1772 à destination de Saint-Domingue pour résoudre un problème d'héritage. Les Élus coëns lyonnais continuent à travailler en suivant ses instructions. Le secrétaire de Martinès de Pasqually, Louis-Claude de Saint-Martin, vient s'installer quelque temps chez Jean-Baptiste Willermoz. C'est là, à la fin de l'année 1773 et au cours de l'année suivante, qu'il écrit son premier livre, Des erreurs et de la vérité. L'ouvrage sera publié en 1775 par un élu coën de la ville faisant profession de libraire-imprimeur, Jean-André Périsse-Duluc. Martinès de Pasqually décède à Haïti le 20 septembre 1774, à la suite d'une mauvaise fièvre. Privé de son fondateur, l'Ordre décline et sera bientôt réduit au sommeil.
La Stricte Observance Templière
Jean-Baptiste Willermoz entre alors dans la deuxième partie de sa vie ésotérique. Cette période, qui s'étend de 1773 à 1782, a débuté l'année précédant la mort du fondateur des Élus coëns par un contact avec le baron Karl von Hund (1722-1776). Ce dernier est le fondateur d'un rite maçonnique revendiquant une filiation templière : la Stricte Observance Templière (S.O.T). Cet ordre – qui domine alors la franc-maçonnerie allemande – fait de la maçonnerie « l'ordre du Temple poursuivi ». Il cultive l'esprit chevaleresque : lorsqu'un nouveau membre est reçu à la S.O.T., il prend un nom de chevalier. Ainsi, en 1774, Willermoz devient-il Eques ab Eremo (Eques, « chevalier » en latin). Très vite, les martinistes lyonnais – c'est-à-dire les disciples qui gravitent dans l'entourage de Martinès de Pasqually – suivent Jean-Baptiste Willermoz en se ralliant à la S.O.T.
Cet ordre est alors en pleine mutation, car parmi ses membres, nombreux sont ceux qui s'interrogent sur la légitimité de sa filiation templière. Jean-Baptiste Willermoz, aidé d'anciens élus coëns, va bientôt s'affirmer comme le réformateur de la Stricte Observance Templière. Réussissant à gagner la confiance des deux leader de l'Ordre, le duc de Brunswick (Eques a Victori) et Charles de Hesse Cassel (Eques a Leone Resurgent), il organise à Lyon, en novembre 1778, l'un des plus célèbres convents maçonniques : le convent des Gaules. C'est à cette occasion qu'il fait adopter par l'Ordre la doctrine de Martinès de Pasqually (sans sa théurgie). En 1782, pour mieux se consacrer à ses activités maçonniques, il décide de vendre son affaire de mercerie.
En août de la même année a lieu le convent de Wilhelmsbad, de la Stricte Observance Templière. Au cours de cette importante réunion, on assiste à un recul des prétentions templières. Désormais, l'Ordre se place dans une « filiation d'esprit » puisant ses sources dans la chevalerie éternelle, le « saint Ordre » auquel se rattacheraient tous les véritables ordres, quel que soit leur nom, et dont les templiers ne sont qu'un rameau. L'Ordre change alors son nom pour celui de Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte. Il est aussi qualifié de Rite (ou Régime) écossais rectifié (R.E.R.) (3).
Les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte
Ce régime comporte quatre grades symboliques : Apprenti, Compagnon, Maître et Maître écossais de saint André. Après ces grades, on accède à l'Ordre intérieur, celui des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte (C.B.C.S.), qui comporte deux degrés : Écuyer novice et Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte. Viennent ensuite des grades secrets, ceux de Profès et de Grand Profès.
Jean-Baptiste Willermoz écrit des textes d'instructions destinés aux membres, notamment ceux de Profès et de Grand Profès, dans lesquels la doctrine de la réintégration occupe une place fondamentale (4). Lorsqu'on étudie ces rituels et instructions du Régime écossais rectifié, on ne peut s'empêcher de se demander si le disciple lyonnais de Martinès de Pasqually n'a pas dépassé le maître. Il réussit en effet à créer une structure symbolique et rituelle maçonnique cohérente, appuyée sur une doctrine spécifique. Quoi qu'il en soit, il est incontestable qu'au moment où, suite à disparition de Martinès de Pasqually, l'ordre des Élus coëns s'éteint, la doctrine de son fondateur va connaître une certaine pérennité grâce au Régime écossais rectifié (R.E.R.). Certains historiens, comme Robert Amadou, vont jusqu'à voir dans cet ordre, le joyau de la franc-maçonnerie, un rite qui se veut chrétien et spiritualiste. L'Ordre accueille essentiellement des membres de la bourgeoisie, des négociants, des membres du haut clergé et des aristocrates. Il connaît un essor rapide dans le Dauphiné, la Savoie, la Bourgogne, l'Alsace et l'Europe. Cependant, son évolution va être freinée par l'apparition du magnétisme.
Le magnétisme
À la fin de 1783, le mesmérisme commence à se répandre à Lyon. Les vertus thérapeutiques du fluide magnétique, mises en évidence par Mesmer, passionnent. Le magnétisme prend rapidement une nouvelle orientation grâce aux découvertes du marquis de Puységur. Ce dernier a en effet constaté qu'un sujet plongé dans un sommeil magnétique devient doué d'une clairvoyance surprenante et est capable de répondre à des questions touchant aux choses de l'invisible. Tous ceux qui sont portés vers l'ésotérisme, et au premier plan les anciens Élus coëns, sont donc séduits par le côté spectaculaire de cette pratique. Ils voient là un moyen nouveau, et surtout plus simple que la théurgie de Martinès, pour dialoguer avec l'invisible. Jean-Baptiste Willermoz n'échappe pas à l'engouement général. Dès 1784, il participe à la société magnétique La Concorde, fondée à Lyon par le Dr Dutrech. Saint-Martin lui-même, en février 1784, sera reçu dans L'Harmonie de Mesmer, à Paris. À la même époque, en octobre 1784, Cagliostro, qui s'est installé à Lyon, fonde la Loge La Sagesse triomphante, qui marque la naissance de la maçonnerie égyptienne. Jean-Baptiste Willermoz sera très critique envers le fondateur de ce rite, qu'il considère plus ou moins comme un charlatan.
L'Agent Inconnu
Au cours des années 1783 à 1788, Jean-Baptiste Willermoz se passionne pour le magnétisme. Cet épisode le détourne pour un temps de ses préoccupations antérieures. Il est convaincu qu'il tient là un nouvel instrument pour mener à bien sa quête. Il magnétise en suivant les procédés de Puységur et utilise Mlle Rochette pour médium (5). Cependant, après l'engouement de départ, il s'avoue déçu. Les choses prennent un nouveau tournant lorsque le 5 avril 1785, on lui apporte une série de cahiers écrits à son intention par un mystérieux « Agent Inconnu ». Un médium, plongé dans un sommeil magnétique, la main guidée par l'invisible, est l'auteur de ces textes étranges. Ces messages demandent à Willermoz de fonder un groupe secret : la Société des Initiés. La vocation de cette société est de devenir le « centre général de la lumière des derniers temps et de la parfaite et primitive initiation » (6). Jean-Baptiste Willermoz voit là comme une récompense à ses efforts antérieurs. Enthousiasmé, il organise, dans le quartier des Brotteaux, une loge pour cette nouvelle société, la loge Élue et Chérie de la Bienfaisance.
Selon les instructions transmises par l'Agent Inconnu, l'entrée dans la Société des Initiés doit être réservée aux membres du Rite écossais rectifié. Saint-Martin lui-même accepte d'y rentrer pour pouvoir participer aux séances de l'Agent. L'engouement initial tombe cependant après la première année. Les messages de l'Agent Inconnu sont souvent incompréhensibles, pleins de contradictions, et ses promesses ne se réalisent pas. Jean-Baptiste Willermoz finit par avoir des soupçons sur l'authenticité de ces communications, d'autant plus que le médium qui transmet les messages refuse de se faire connaître. Finalement, après bien des réticences, l'Agent se présente à lui en avril 1787.
C'est une femme, Mme de Vallière, Marie-Louise de Monspey, chanoinesse de Remiremont. Elle est la sœur d'Alexandre de Monspey, un magnétiseur bien connu à Lyon, et qui plus est, lui aussi un élu coën. Quelques mois plus tard, en octobre 1788, Willermoz convoque une réunion des membres de la Société des Initiés. Il expose ses doutes, ses déceptions, et annonce qu'il se retire de la direction du groupe (7). La page est tournée, mais l'épisode pendant lequel il s'était consacré au magnétisme fut préjudiciable à ses réalisations précédentes. Il contribua probablement à fragiliser l'ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, tout juste sorti du creuset.
La Révolution
Une autre période de la vie de Jean-Baptiste Willermoz, la quatrième et dernière, s'ouvre (1796-1824). Elle est précédée par les difficultés engendrées par la Révolution française, au cours de laquelle il manque perdre la vie. Le 14 juillet 1789, l'ancien intendant du Lyonnais, prévôt des marchands de Paris, tombe sous les coups des vainqueurs de la Bastille. Les Lyonnais, qui avaient accueilli favorablement la monarchie constitutionnelle, déchantent rapidement. La ville connaît une crise économique catastrophique.
En 1793, les Jacobins s'emparent du pouvoir local avec Chalier. Les Lyonnais se révoltent bientôt contre les autorités gouvernementales. L'armée réplique, et du 8 août au 9 octobre 1793, des combats acharnés opposent Lyonnais et soldats révolutionnaires. Finalement, la ville est vaincue, et jusqu'à la chute de Robespierre le 27 juillet 1794 (9 Thermidor), les représailles sont terribles. En novembre 1794, Jean-Baptiste Willermoz est obligé de quitter précipitamment Lyon pour échapper à une arrestation. Il reviendra quelques temps plus tard dans sa ville, mais le R.E.R. entrera alors en sommeil.
Monument expiatoire élevé aux Brotteaux en 1795, à la mémoire des victimes de Lyon - gravure du XVIIIe siècle
En 1797, la ville de Lyon fait appel à Jean-Baptiste Willermoz pour participer à la réorganisation des institutions détruites par la Révolution. Il devient alors l'un des cinq administrateurs chargés de reconstituer les œuvres de charité de l'Hôtel-Dieu, activité qu'il exercera bénévolement. En juin 1800, alors qu'il a soixante-dix ans, un arrêté du Premier Consul le nomme conseiller général du Rhône. Plusieurs fois réélu, il siègera à cette fonction jusqu'en 1815.
À soixante-six ans, Jean-Baptiste Willermoz met fin à sa vie de célibataire en épousant Jeanne-Marie Pascal. Le couple s'installe à la Croix-Rousse, un quartier de la ville situé sur la colline entre le Rhône et la Saône. En 1804, sa jeune épouse lui donne une fille qui mourra en bas âge. Au cours de cette même année, il est mandaté pour faire partie du bureau de bienfaisance du IIIe arrondissement de Lyon. L'année 1805 est marquée par la naissance d'un fils en qui Willermoz place beaucoup d'espoir. Toutefois, les changements intervenus dans sa vie ne lui font pas oublier ses préoccupations mystiques. C'est ainsi qu'en 1809, il consacre encore une partie de son temps à parfaire les rituels du R.E.R, notamment celui de Maître écossais de saint André. Parvenu à l'âge de quatre-vingts ans, Jean-Baptiste Willermoz songe enfin à prendre sa retraite. Il a pourtant le désir secret de rétablir les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, dont les travaux ont été interrompus par la Révolution. Sous l'Empire, l'Ordre se réorganise timidement dans plusieurs villes comme Strasbourg, Marseille, Aix, et en Suisse. Cependant, il prépare sa succession avec son neveu Antoine Pont.
C'est à cette époque que Jean-Baptiste Willermoz décide d'écrire des cahiers d'instructions destinés à son fils. Il souhaite en effet lui transmettre les enseignements ésotériques qu'il a recueillis au cours de sa déjà longue expérience d'initié. Ces textes, qui occupent plusieurs cahiers, reprennent pour l'essentiel la doctrine de Martinès de Pasqually. Son fils n'aura, hélas, pas le loisir de les étudier, car il meurt en 1812. Quelques années plus tard, en 1818, Jean-Baptiste Willermoz les assemblera en un seul recueil. Quelques extraits en ont été publiés par Paul Vulliaud en 1929 ; en 1948, Gérard van Rijnberk en donna une édition. Plus récemment, la revue Renaissance Traditionnelle en a donné une édition complète (8).
Le Traité des deux natures
Vers 1818, Jean-Baptiste Willermoz écrit un texte curieux, le Traité des deux natures divine et humaine réunies indivisiblement pour l'éternité et ne formant pour l'éternité qu'un seul et même être dans la personne de Jésus-Christ […] (9). Dans ce texte, il évoque les mystères de l'incarnation, ceux qui concernent l'homme, le fils d'Adam, et ceux qui se rapportent à Jésus-Christ, le nouvel Adam. Bien que Willermoz n'utilise pas ici le vocabulaire propre à la franc-maçonnerie, les théories des Élus coëns y sont omniprésentes.
Ce traité est caractéristique d'une période où le christianisme a été fortement remis en cause par la Révolution. Il semble répondre aux écrits que Charles-François Dupuis a publiés quelques années plus tôt, Origine de tous les cultes ou Religion Universelle (1794). Dans ce texte, l'auteur, franc-maçon, montre que toutes les religions ont pour source une religion universelle dont les légendes et les fêtes ont pour origine des phénomènes astronomiques. Il s'efforce de montrer que les chrétiens ont empruntés leur symbole, celui de la croix, à des religions plus anciennes, et il relègue la religion chrétienne au rang des mythologies et des superstitions anciennes. Le livre de Charles-François Dupuis connaît un succès important, et beaucoup de francs-maçons, séduits par le rationalisme, adopteront son point de vue (10). Jean-Baptiste Willermoz, catholique convaincu, ne partage pas ses idées. Son Traité des deux natures, s'appuyant sur la doctrine de Martinès de Pasqually, insiste sur le caractère sacré du symbole de la croix et la spiritualité chrétienne. Il constitue une réflexion fondamentale sur l'ésotérisme chrétien. On ignore s'il le destinait à la publication, car il est resté à l'état de manuscrit. En 1986, la revue Renaissance traditionnelle en a publié une version agrémentée de commentaires et d'une table analytique de Roger Dachez (11). En 1999, l'ouvrage connaît sa première édition en tant que livre, sous le titre L'Homme-Dieu, traité des deux natures, par Diffusion Rosicrucienne.
Le patriarche de la franc-maçonnerie lyonnaise s'éteint le 29 mai 1824, à l'âge de quatre-vingt quatorze ans, après avoir mené une existence largement consacrée à ses idéaux.
Les Cahiers
de
IACOBUS
[
./05als6pag.html]
[
./03alhomepag.html]
Lorem ipsum dolor sit amet, consectetuer
Sed diem nonummy nibh euismod tincidunt
St lacreet dolore magna aliguam
Ut wisis enim ad minim veniam
quis nostrud exerci tution ullam corper suscipit lobortis
nisi ut aliquip ex ea commodo consequat
Español
English
Français
Nederlands
Italiano
Deutsch
Lorem
Ipsum
Dolor
Sit
Amet
CERCLE ESOTERIQUE ET CHRETIEN “ CHEVALIER IACOBUS “
lLe discours publié est libre de droits d’auteur et de propriété intellectuelle
JEAN BAPTISTE WILLERMOZ
[
Web Creator]
[
LMSOFT]